L’arrivée du REM et d’une station à l’angle du boulevard René-Lévesque Ouest et de la rue Saint- Urbain sans consultation avec les citoyens suscite de nombreuses inquiétudes, comme partout ailleurs sur le territoire montréalais. Si elle est positive d’un point de vue de l’accessibilité du Quartier chinois en bonifiant l’offre en transport en commun, elle porte atteinte à l’intégrité de son milieu vivant et construit.
L’annonce récente de la possibilité d’enfouir une partie du tronçon du REM de l’Est, à priori salvateur pour le centre-ville, pourrait avoir des effets dévastateurs si celui-ci entraîne la fermeture de la rue Jeanne-Mance et demeure en hauteur dans le Chinatown. Une structure au sol débouchant du tunnel suivi d’une structure aérienne, elle-même additionnée d’un édicule longeant la frontière nord du Quartier chinois :
- contribuerait à diminuer sa connectivité avec le centre-ville;
- créerait une barrière physique qui l’isolerait davantage de son milieu environnement ;
- bloquerait des vues remarquables et identitaires (notamment vers la basilique Notre-Dame, vers et depuis l’arche du boulevard Saint-Laurent, vers l’édifice Hydro-Québec);
- créerait une rupture dans l’alignement d’édifices de pierres grises de la Main (particulièrement le lien entre l’édifice Brunet et le Monument-National).
Dans la dernière année, la communauté s’est mobilisée pour sauver le Quartier chinois de Montréal, tant son patrimoine bâti que ses pratiques culturelles inscrites dans ces lieux, menacé d’embourgeoisement, de banalisation et de disparition. Cette tendance n’est pas unique et s’observe à l’échelle de tous les Chinatowns en Amérique du Nord au point où la question de leur survie est devenue un enjeu national. Rappelons que le Quartier chinois a été fortement réduit à l’époque moderne par l’élargissement de la rue Dorchester et de la rue Saint-Urbain et par la construction de l’autoroute Ville-Marie, du Complexe Desjardins, du Palais des congrès et du Complexe Guy-Favreau.
Bien qu’ayant survécu, le quartier porte encore les cicatrices et la mémoire de ce déplacement de population, de ces démolitions de lieux de vie, de travail et de culte et de l’enclavement qui en a résulté et qui affecte encore aujourd’hui sa capacité de développement et sa vitalité économique et sociale.
Le ministère de la Culture et des Communications du Québec et la Ville de Montréal s’affairent actuellement à définir les moyens et les outils à déployer dans les meilleurs délais et à différentes échelles pour la protection de l’authenticité du patrimoine, de l’identité, des caractéristiques, de la spécificité des attraits et des pratiques culturelles du Quartier chinois de Montréal. Dans ce contexte, la communauté s’inquiète de la pression foncière que généra l’arrivée du REM et la capacité des résidents et des commerçants indépendants à continuer à vivre et travailler dans un secteur déjà aux prises avec une importante spéculation foncière.
Pour ces raisons, le Groupe de travail sur le Quartier chinois recommande :
- que l’implantation du REM soit sérieusement discutée avec le comité de travail piloté par le MCC et la Ville pour assurer une vision cohérente du développement du territoire ;
- que la communauté du Quartier chinois soit consultée et invitée dans le processus par CDPQ Infra;
- que l’option tunnel soit privilégiée ;
- que le tunnel se prolonge à l’est (au moins pour une station supplémentaire pour éviter la fermeture de la rue Jeanne-Mance);
- que l’édicule soit intégré à un projet immobilier à l’angle des boulevards René-Lévesque Ouest et Saint-Laurent qui respecte les meilleures pratiques en matière de design et d’intégration des arts;
- que la station prenne en compte les caractéristiques architecturales et urbaines distinctives du Quartier chinois dans sa conception.
En respectant ces recommandations, nous sommes d’avis que le REM pourra contribuer à l’amélioration de la qualité de vie et au respect du milieu dans lequel il s’insère.
Le gouvernement du Québec ne souhaitera sûrement pas répéter les erreurs du passé où il a sciemment détruit le cœur du Quartier chinois de Montréal, des plaies qui sont toujours vives pour ceux et celles qui ont été expropriés et qui ont vu leurs maisons, leurs commerces, leurs entreprises démolies au profit de grandes voies de transport et de grands complexes sans égard à leur présence. En cette ère d’inclusion et de réparation auprès des communautés opprimées ou ayant subi des injustices, nous osons espérer que l’histoire ne se répètera pas.
Crédit image: PierreB Fortin, Twitter