RÉPONSE A LA MODIFICATION PROPOSÉE DU PLAN D’URBANISME
Le GTQC soutient les changements proposés au Plan d’urbanisme par la Ville de Montréal. Nous espérons que celui-ci fera partie des mesures prises pour mettre en œuvre le Plan d’action pour le Quartier chinois et pour soutenir le Quartier chinois comme lieu historique avec des règlements de planification qui facilitent un environnement urbain à l’échelle humaine centré sur ses communautés vivantes et ses paysages urbains culturels.
Nous soutenons l’identification du Quartier chinois comme lieu historique par la Ville de Montréal avec ses nouvelles limites du boulevard René-Lévesque au nord, l’avenue Viger au sud, la rue de Bleury à l’ouest, et la rue Sainte-Elisabeth à l’est.
Nous soutenons la reconnaissance du Quartier chinois comme secteur de valeur exceptionnelle et l’ajout du Quartier chinois en tant qu’un des « territoires d’intérêt archéologique » dans le Plan d’urbanisme.
Nous soutenons aussi la proposition de réduire la hauteur et la densité de construction maximale dans le Quartier chinois et en tant qu’étape essentielle pour renforcer le statut patrimonial du Quartier chinois, dissuader davantage la spéculation foncière et implanter un cadre pour guider le développement en respectant l’héritage tangible et intangible du Quartier chinois.
Nous sommes d’accord avec l’approche d’avoir un secteur central du Quartier chinois avec une hauteur et une densité de construction réduites, et des bordures avec des limites plus hautes, en tant qu’espace de transition avec le centre-ville. Cependant, pour le secteur central, nous trouvons que la limite de hauteur de 25-35 mètres (environ 8-10 étages) et la limite de densité de construction (coefficient d’occupation au sol [COS]) de 4 sont trop élevées en termes d’échelle, en comparaison aux bâtiments existants, en particulier ceux sur la rue de la Gauchetière.
De plus, il y a beaucoup de facteurs critiques inconnus en jeu qui ne sont pas abordés par la proposition et qui peuvent contrer le résultat désiré de faire du Quartier chinois un environnement à l’échelle humaine centré sur sa communauté actuelle. Nous espérons qu’avec l’adoption des changements proposés pour le Plan d’urbanisme et de mobilité, la Ville de Montréal et l’arrondissement de Ville-Marie vont continuer d’examiner les enjeux suivants liés au design et au développement du Quartier chinois:
1. Patrimoine, caractère et échelles du Quartier chinois
- PROTÉGER LA TYPOLOGIE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES. Les associations familiales sont un élément important de l’infrastructure socioéconomique du Quartier chinois en raison de leur histoire, leurs fonctions dans la communauté et les traditions culturelles qu’elles continuent de mettre en pratique. Les bâtiments qu’elles possèdent revêtent une signification patrimoniale importante en raison de leur typologie architecturale « shophouse » et des divers objets historiques à l’intérieur des bâtiments qui font partie du patrimoine intérieur de ceux-ci. Ces aspects du patrimoine du Quartier chinois doivent être mieux compris et soutenus car ils ne sont pas inclus dans l’étude de Luce Lafontaine Architectes (décembre 2021).
- CARACTÉRISER L’IDENTITÉ ARCHITECTURALE. Il faut mieux définir le style architectural unique du Quartier chinois et avoir des outils pour assurer l’intégration architecturale des nouveaux projets proposés. En outre, il y a plusieurs projets récemment construits qui ne respectent pas l’héritage et le caractère du Quartier chinois issu de plusieurs phases d’enchinoisement, et ils ne devraient pas être considérés comme référence de « contexte existant » pour les projets à venir.
- RESPECTER LA TRAME FAUBOURIENNE. Les bâtiments existants dans le Quartier chinois sont construits sur des petits lots qui ont généralement des magasins plus petits résultant en un environnement davantage à l’échelle humaine. Une telle échelle fait partie intégrante du caractère du Quartier chinois. Il faut s’assurer que de nouveaux développements respectent et répondent à cette échelle et éviter les opérations de remembrement.
- VALORISER LES COURS INTÉRIEURES ET LES RUELLES. Le développement graduel avec des cours intérieures et des ruelles comme espaces publics secondaires est une autre caractéristique du Quartier chinois. Il faut assurer la rétention et l’amélioration des ruelles et des cours intérieures actuelles (peu nombreuses), et encourager les nouveaux développements à inclure ces types d’éléments.
2. Vision de développement et de planification urbaine
- IDENTIFIER L’ÉQUIPE DE MISE EN OEUVRE DU PLAN D’ACTION. C’est encourageant de voir le nouveau Plan d’action 2021-2026 avec ses quatre thèmes: (1) Qualité de vie, logement et espaces publics; (2) vitalité commerciale; (3) identité, rayonnement et patrimoine; (4) concertation du quartier. Cependant, il n’est pas encore clair quelle est l’équipe mise en place pour superviser et assurer la responsabilité de la mise en oeuvre du Plan et si celle-ci à l’expérience requise.
- ÉLABORER UNE VISION DE DÉVELOPPEMENT CONCERTÉE. Par ailleurs, le Plan n’a pas encore de vision de développement holistique ou de planification urbaine pour le Quartier chinois. Celui-ci pourrait faire converger les différentes aspirations pour le développement économique, social, culturel et du logement, et ce, de façon cohérente.
- ÉTUDIER LES ÉDIFICES ET LOTS VACANTS ET BÂTIMENTS À RISQUE. Une étude des lots vacants et des propriétés sous-utilisées est nécessaire dans le cadre du travail de préparation pour un plan de développement afin que le potentiel de la densité et du développement puissent être optimisés. Il faudrait aussi une étude des « bâtiments à risque » qui sont en train de se détériorer et qui sont soumis à la pression de démolition, d’acquisition, ou de consolidation. Cette étude est essentielle pour mieux évaluer la pression de la gentrification sur les bâtiments individuels et à l’échelle du quartier.
- FAVORISER UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE AXÉ SUR LA CONSERVATION. Il faudrait une analyse de développement économique pour mieux comprendre comment le nouveau zonage proposé peut faciliter la forme du développement désirée et si des programmes d’incitation spécifiques seront requis pour soutenir la rénovation des vieux bâtiments historiques. Cela permettra d’assurer un développement axé sur la conservation.
- FAIRE UNE MODÉLISATION DES POTENTIELS DE DÉVELOPPEMENT. Une meilleure modélisation et visualisation des projets possibles selon le nouveau zonage sera aussi utile pour que la communauté puisse comprendre l’impact des changements réglementaires.
3. Critères de design et processus des projets de développement
- INFORMER LA COMMUNAUTÉ DES PROJETS EN DÉVELOPPEMENT. Déterminer si un projet de développement proposé contribuera à la vie sociale, culturelle et économique du Quartier chinois nécessite un ensemble des critères plus globaux au-delà de la hauteur et de la densité de construction. Le design et les services sont aussi très importants. Il n’est pas clair avec la nouvelle proposition comment la communauté sera mise au courant des projets futurs de développement et quel ensemble de critères sera utilisé pour considérer ces projets.
- POURSUIVRE LES TRAVAUX DU COMITÉ TRIPARTITE. Le groupe tripartite de travail sur le patrimoine avec des représentants des gouvernements municipaux et provinciaux, et des représentants de la communauté devrait continuer à surveiller le progrès de la mise en place de leur reconnaissance et règlements.
- RÉDIGER DES CRITÈRES DE DESIGN DU QUARTIER CHINOIS. En plus des critères établis par le Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) actuel, des critères de design spécifiques au Quartier Chinois devraient aussi être développés par des experts en aménagement des quartiers chinois et appliqués dans l’élaboration des projets.
- CRÉER UN COMITÉ-CONSEIL EXPERT RATTACHÉ AU CCU. Une sous-commission avec de l’expertise en urbanisme et en patrimoine devrait se joindre au Comité consultatif d’urbanisme de Ville-Marie (CCU) pour jouer un rôle-conseil dans la révision des projets ayant trait au Quartier chinois.
- CONCERTER LA COMMUNAUTÉ AVANT L’ÉMISSION DES PERMIS. Le personnel de la Ville doit informer la communauté quand des permis de développement majeurs sont demandés pour que la communauté puisse avoir l’opportunité de répondre adéquatement. Dans les situations d’un projet de développement ayant des impacts défavorables aux résidents voisins en raison, il faudrait avoir des mesures concrètes de mitigation et/ou de compensation en tant que critères pour l’émission du permis.
CONCLUSION
Le GTQC soutient la proposition par la Ville de Montréal de modifier le Plan d’urbanisme et de réduire la hauteur et la densité de construction maximales dans le Quartier chinois dans le cadre des mesures prises pour réaliser le Plan d’action pour le Quartier chinois. Néanmoins, nous trouvons que la limite proposée d’une hauteur de 25-35 mètres (environ 8-10 étages) est trop élevée en termes d’échelle, en comparaison aux bâtiments existants, et nous encourageons la Ville de Montréal et l’arrondissement de Ville-Marie à continuer d’examiner les trois questions soulignées ci-haut: 1) patrimoine, caractère, et échelles du Quartier chinois; 2) vision de développement et de planification urbaine; 3) critères de design et processus des projets de développement. La conservation de l’environnement bâti et urbain au Quartier chinois est essentielle afin de préserver ses valeurs historiques, sociales, et architecturales, et surtout, ceci permet aux modes de vie et aux pratiques culturelles de ne pas seulement survivre, mais de prospérer.